Retours de salons et réflexions.
Retour de salons
Attention, si beaucoup d'éléments sont sérieux, les petits clins d'œil ne le sont pas 😉
Salon des Aventuriales (2015)
Après deux salons enchanteurs, celui d’Hettange-Grande (près de Thionville) et celui des Aventuriales (à Ménétrol), je reviens ravi, quoiqu’un peu épuisé.
Ravi d’avoir comme chaque fois retrouvé plein de monde que j’arrive à connaître au fil des ans. Le petit nouveau de l’année 2015 commence à être reconnu, à reconnaître quelques têtes et surtout à y mettre chaque fois les bons noms (exercice difficile l’air de rien pour moi, car même si vous portiez un aptonyme, cela ne changerait rien quant à ce qui me concerne, ce qui, paraît-il, est très fréquent pour nombre de personnes). Je ne m’amuserai pas en revanche à citer toutes celles et tous ceux que j’ai croisés et salués, avec qui j’ai pu échanger, parfois longuement, parfois quelques trop courtes minutes. Je ne peux que saluer, comme à chaque fois, le travail des organisatrices et organisateurs, l’aide et la gentillesse des bénévoles sans qui toutes ces manifestations n’auraient pas lieu, et puis l’ambiance, les retrouvailles.
Festival Hettange-Grande, aux côtés de Gabrielle Dubasqui (le dragon de l'An mil) et Vincent Dorier (le cycle d'Havenlon)
Lors des Aventuriales de cette année 2022, j’ai enfin pu rencontrer JMX, Jean-Mathias Xavier, « mon » (ce n’est pas un possessif, juste le plaisir de faire référence à lui) illustrateur, celui qui a produit les couvertures de « Freak Show » (où j’ai une drôle d’histoire avec un loup-garou), d’« Inhumaine Contrebande » et du « Fil du Rasoir » (avec Soyana, Doriane et Line), de l’épilogue de « Kei Arcadia » (la tête brûlée autant que tête à claques de Kei), les « Ajusteurs » 1 et 2 (en attendant d’attaquer celle du 3 dans quelques semaines). Le diable d’homme a aussi fait les illustrations intérieures du cycle desdits « Ajusteurs », celle du « Fil du Rasoir » et commis un paquet de portraits particulièrement bien léchés des personnages du « Cycle de SysSol » ou de mes contrebandières, avant d’ajouter quelques nouvelles têtes dans les semaines à venir. Il a aussi réalisé un artbook absolument superbe pour « Sous la lumière d’Helios » de Dominique Lémuri. Ainsi que des dizaines d’illustrations de couverture ou intérieures, outre sa série BD-Manga des Space Kittens. La joie était donc grande de passer des échanges téléphoniques à un moment de discussion et de détente IRL.
Aux côtés de Jean-Mathias Xavier
Avec cela, ravi, comme à chaque salon, d’avoir rencontré plein de nouvelles têtes, souvent fort sympathiques, mais certaines plus que sympathiques. Encore plus heureux quand ces rencontres se terminent par un ou plusieurs dédicaces, forcément, content d’une finalisation d’échanges oraux en échange manuscrit. Ce qui est encore plus agréable, lorsque les lectrices ou lecteurs viennent prendre le tome suivant d’un cycle (ce mois de septembre 2022 étant l’occasion de sortie des Ajusteurs 2).
Au final, content-content (bis, voire ter) comme pratiquement à chaque salon.
Mais… car il y a un mais, et ce mais n’est pas des moindres…
SFFF et relativité
Il se trouve que j’ai aussi découvert, au fil des derniers mois et donc des salons de cette année, deux petites tendances dont j’avais déjà conscience et que j’avais intégrées, mais dont il me faut tenir compte de plus en plus.
La première est que la SF n’est pas (ou n’est plus pour les nostalgiques de ce que l’on nommait l’âge d’or dont, j’avoue, ne pas me soucier[1]) une lecture principale dans le monde l’imaginaire. Je vais biaiser et mettre de côté le Fantastique et l’Horreur, pour me concentrer sur le peu que je vois et j’entends. Ce qui est forcément réducteur et vu par le petit bout de ma lorgnette, ce qui n’est en rien une généralité, n’a qu’une valeur qui confirme le principe de la relativité, car la SF se porte bien côté cinéma et… aussi côté réédition de classiques (eh oui, l’âge d’or) avec des anthos et des essais sur PK Dick, Dune, Vance, etc.
Quoi qu’il en soit, de mon petit point de vue – sans aucune étude sérieuse de quoi que ce soit, ce n’est que du ressenti, soyons clair – dans les salons de petite taille que je fréquente, j’ai noté que nombre de lectrices et de lecteurs préfèrent la fantasy qui s’est construite peu à peu, imaginant des mondes, des univers, des personnages de plus en plus solidement bâtis et réfléchis, cohérents et d’apparences plausibles – nonobstant l’impossibilité de la magie semblable à celle de la SF qui se la joue avec des « boulons » et des « moteurs à énergie machin-chouette ». Ce qui veut dire que dès que je prononce le mot « non-magique » de « Science-Fiction », j’ai souvent une grimace, un sourire contraint ou un haussement d’épaules avec un petit geste d’excuse, voire un « ah ! non ! ». Ce que renforce le fait que mon nom est aussi célèbre dans le milieu des lecteurs que celui de JP Martin, serrurier de son état à Trifouilly-les-Oies, l’est dans le fin fond de la Creuse profonde (ou de votre Normandie natale si vous préférez). Tant mieux pour les autrices et auteurs de Fantasy, mais du coup, je me retrouve souvent fort marri (bien que la bise ne soit pas encore arrivée) de ces réactions.
Avec cela, s’ajoute le fait qu’il y a nombre de visiteurs qui arrivent en famille, donc avec les enfants. Et on ne peut pas dire que mes écrits soient à destination de ces derniers ; ados oui, et encore pas spécialement Quirinus par exemple, mais en dessous non. Ce qui signifie que moult passages de groupes se font sans faire plus que jeter un œil vite détourné sur les couvertures.
Cela n’a l’air de rien, mais m’a amené à changer mes présentations de romans, en mettant encore plus en avant les liens soit avec l’aspect « extraordinaire » de l’aventure (les trous de vers qui vous jettent vous ne savez ni où ni quand ni à combien, l’IA surpuissante qu’est Colorado, etc. dans le cycle de SysSol), soit avec l’accroche avec nos problématiques de sociétés actuelles (que ce soit pour Quirinus, les Ajusteurs, Gerulf ou mes Contrebandières) et des personnages assez inhabituels (les périnormaux de Quirinus, Line ou Anaïs, Gerulf, Colorado, etc.).
La réflexion n’est pas gratuite, car elle m’a poussé à ajouter un volet plus « sombre » ou plus « fantastique » à mes écrits. C’est le cas de mes trois dernières nouvelles : « En d’hallucinantes montagnes » (Revue OUAT2 de mai 2022), « Souvenirs Oubliés » qui est même tendance horreur (Anthologie Malpertuis XIII de septembre 2022) et même celle de SF, hommage à PK Dick, « Imperceptible glissement de temps » (Anthologie Étrange K Dick de septembre 2022). C’est aussi le cas des nouvelles « gratuites » que j’ai mises à disposition en lien avec le Galion des Étoiles et qui frôlent un petit peu le Dark SF (sans être trop sombre) : « Major Clinton » (qui met à mal les lois de la robotique), « Futur Inextricable » et « Le fond du désespoir », avec un fond assez éloigné de mes histoires habituelles plutôt hopepunk, même si elles ne sont pas sans batailles ni morts.
L’autre réflexion est celle que l’on me fait remarquer régulièrement. Je vais pour cela laisser tomber le cas des nostalgiques qui me sortent qu’il n’y a pas de bonne SF en France ou qu’il n’y en a plus depuis 1980, ceux-là n’ont pas lu Bordage, Genefort, Querbalec, Pontier, Steward, Basseterre, Dufour, Walton, Faye, etc. Pire encore, les – plus rares heureusement sinon je mordrai – remarques quant aux genres et sexes des personnages.
Non, la remarque que l’on me sort assez régulièrement est liée au fait qu’en Fantasy les personnages sont souvent plus construits, plus humains qu’en SF où, parfois, la technologie, les voyages spatiaux, etc. ont plus d’importance que lesdits personnages. Je renvoie par exemple à Émilie Querbalec, à Luce Basseterre ou à Dominique Lémuri (pour faire très court et côté français), mais c’est un argument que l’on me rétorque et sur lequel, même si, pour ce qui me concerne, les personnages sont toute la base de mes récits, il n’est pas toujours facile de faire changer d’avis.
Papier ou numérique
L’autre constat est celui d’une demande qui devient récurrente et m’est faite avec une régularité quasi-métronomique. Si mes livres ne sont pas laids, ce ne sont pas des livres d’art ou pouvant faire collection, loin de là. De ce fait, ils ne sont pas achetés pour leur « beauté » (toute relative), mais pour leur « contenu », l’histoire qu’ils narrent (quand j’arrive à intéresser suffisamment). Et régulièrement, il m’est demandé s’il est possible de trouver mes livres en édition numérique, avec deux arguments particuliers (dans lesquels je me reconnais puisque j’ai les mêmes pour ce qui me concerne) :
1 – Le livre papier, c’est bien, pour l’aspect physique, on peut le tenir en main, tourner les pages, c’est à la fois tactile et visuel. Oui, mais… mes bibliothèques sont pleines, on en entasse, on amasse et, au final, on ne relit pas tant que ça. Ce qui fait que l’on préfère avoir en papier des beaux livres, des coups de cœur, des livres qui ont marqué parce que lié à quelque chose de particulier. Et puis, les autres, et bien… sans plus. Je connais des personnes qui ne veulent pas de dédicaces sur leur achat, car elles ne comptent pas le garder, mais vont le revendre ou le donner, une fois lu. Parce que plus ou pas de place, principalement.
2 – Le livre numérique, c’est super. Ça ne tient pas de place, c’est (théoriquement) moins cher (sauf chez certains éditeurs qui se gavent dessus, un epub à 14 € quand le livre est à 19 €, ça passe mal, comme on me fait souvent la réflexion), on peut l’annoter, en copier un bout, c’est lisible puisqu’on peut agrandir les caractères, puisque les écrans (téléphones, tablettes, liseuses) sont maintenant assez grands, c’est pratique parce que c’est multisupport (tél, tablettes, liseuses, portables, PC) et donc qu’on peut lire n’importe, on n’abîme pas le livre papier (pas corné ni déchiré, froissé, etc.) si on souhaite garder celui-ci, etc., etc.
Du coup, je me retrouve de plus en plus souvent face à trois types de lectrices et lecteurs :
- ceux qui ne s’occupent que du papier. Point, c’est fini.
- ceux qui veulent acheter en papier et avoir la dédicace, mais qui veulent l’epub (ou équivalent) parce qu’ils lisent avec ce support. Il leur faut le lien vers l’epub et savoir qu’il sera à un prix abordable. Un lecteur sur quatre environ me le demande.
- ceux qui ne veulent que le numérique. Même scénario, il leur faut le lien vers le numérique et savoir qu’il sera à un prix abordable. Un lecteur sur quatre environ me le demande.
L’effet de bord est que j’ai régulièrement des lecteurs intéressés par certaines de mes histoires (celles de SF-polar) qui repartent sans rien, parce que l’epub n’existe pas (ils ouvrent de grands yeux étonnés et incrédules à cette annonce d’ailleurs). À l’inverse, j’ai nombre de lecteurs « potentiels » qui prennent vite ma carte et la référence de mon site parce que j’y mets les liens vers les epubs (potentiels, car évidemment nulle certitude de ce qui suivra).
Quand je vois à côté de cela que mes nouvelles, qui se téléchargent gratuitement sur mon site, dépassent toutes les 200 « downloads », voire 400 pour le roman des Aventures de Kei Arcadia, je me dis que ce qu’on m'explique lors de ces échanges en salon aurait bonne presse : à savoir qu’un éditeur qui ferait le coup d’offrir à prix réduit le numérique à tout acheteur du livre papier, serait bien apprécié. Cela a sans doute été déjà tenté, mais c’est vrai que cette remarque me revient régulièrement.
Et alors
Et donc, au final ? Rien d’important. Tout va bien dans le pire des mondes (désolé, mais je ne vais pas dire que tout va bien sur Terre et chez les Humains) et je continuerai d’y écrire plus de Hopepunk que de Dystopie, je ferai des détours vers le Fantastique, voire le Dark-SF encore plus sombre, mais peut-être pas trop vers le post-apocalyptique ni les désespérances.
Ceci dit, ces échanges m’ont amené à changer complètement, au fil de ces années, ma présentation de mes textes, tant sur le fond de ce que j’en narre que sur la forme. Sachant que je reste un petit auteur provincial dont personne ne parle, comme dirait un toutou sympa, je ne me fais pas d’illusion sur quoi que ce soit, mais les remarques que j’entends me permettent d’ouvrir un œil différent sur un monde que j’ai découvert il y a quand même bien peu de temps et dans lequel je reste, je dois l’avouer, bien néophyte.
Et puis, quand même, ces rencontres en salons restent ce que je préfère…
[1] J’adore faire des clins d’œil et placer nombre de références à des œuvres du passé (Dune avec le diptyque des Vers, Fondation et les Fontaines du Paradis avec les Ajusteurs, Dick de tous les côtés, etc.), mais je préfère 1000 fois conseiller des textes récents que des histoires « dites classiques », du moins celles qui sont trop éloignées de nos problématiques actuelles, quand elles ne sont pas trop masculinisées, blanco-blanches, voire américanisées. Il y en a qui passent, heureusement, très bien.