LET'S TWIST AGAIN
UNE HISTOIRE SECOUÉEde rebondissementsde nouveaux twists,de coups de théâtrepour vous surprendre
Voici un dossier un peu particulier puisqu'il présente des points de vue très personnels sur les « retournements de situation », basés sur des explications plus ou moins officielles ou reconnues, mais complétées de détails de mon cru et de quelques exemples issus d’œuvres littéraires en tous genres aussi bien que de cinéma et ou BD.
Avertissement : Notez que la plupart de ces exemples « spoilent » bien évidemment et honteusement certaines intrigues des textes, BD ou films concernés ; j’ai donc essayé de limiter leur nombre, histoire de ne pas trop étaler de divulgachage pour qui ne les connaîtrait pas. De même, les références en question sont acôtées d’une icône d’alerte : |
Si vous détester les spoils, ne voulez rien savoir de ce que je pourrais révéler – que ce soit dans des œuvres de tiers ou dans certains de mes écrits – parce que vous ne les avez pas encore vus ou lus, il sera préférable de zapper ce dossier… mais chacun fait (c’qui lui plaît) comme chantait Chagrin d’amour en 1981.
Je me permettrai d’aborder 6 points qui, selon les idées des uns ou des autres, les vôtres peut-être, peuvent se recouper, voire faire double sens. Pour ma part, je vous les présente en fonction de ce que j’utilise dans mes textes aussi bien que dans mon mode de travail :
Il s’agit d’un changement plus ou moins brutal, souvent peu prévisible, qui va modifier l’histoire ou l’intrigue.
Dans un policier, ce sera par exemple, la découverte d’un nouvel indice qui se révèle contradictoire avec les hypothèses de l’enquêteur ou du détective, du cadavre d’un suspect soupçonné d’être l’assassin ou le responsable d’un crime, etc.
À cause de cela, l’idée à laquelle on s’était patiemment accroché va se retrouver déplacée, voire totalement inversée. Pour rester dans le polar, cela pourrait signifier qu’on s’est fourvoyé dans une fausse piste et qu’il faut remettre en cause son analyse. Non seulement pour le personnage concerné, mais aussi pour le lecteur.
Il y a plusieurs façons d’amener un twist. Personnellement, j'en ai identifié trois que j'utilise dans mes écrits et toutes trois dépendent du point de vue narratif, ce que j'écris « PdV » sous forme d’acronyme.
Première forme : l’exemple classique est celui de certains romans noirs dans lequel le PdV est celui du détective-narrateur. Cas de Philip Marlowe, héros de Raymond Chandler, qui raconte lui-même ses aventures. Les retournements de situation sont alors liés aux découvertes qu’il fait et on suit le cheminement de sa pensée qu’il explique plus ou moins. On dispose régulièrement d’indices ou de détails qui permettent de ne pas basculer sans cesse dans le coup de théâtre.
Ainsi, dans la première enquête qu’est Le Grand Sommeil, on a eu twist lorsque Carmen tire sur Marlowe avec le revolver qu’il lui remet un peu avant la fin du roman. Le prétexte avancé est de lui apprendre à se défendre ; la surprise réduite existe, mais on y est plus ou moins préparé, car la « folie » de la jeune femme est perceptible depuis plusieurs chapitres. Ce twist amène à conforter les conclusions de Marlowe et la résolution de l’énigme.
Je pourrai ajouter les multiples twists présents dans Le faucon de Malte de Dashiell Hammett. Que ce soit le fait que Miss O’Shaughnessy – qui s’est d’abord présentée sous le faux nom de Wonderly – connaisse Joel Cairo, qu’elle possède la statue recherchée, etc.
Nestor Burma, personnage de Léo Malet, adopte lui aussi ce point de vue du détective narrateur [dans le même genre un dur à cuire ou « hardboiled »]. Personnage et faconde que l’on retrouve dans la série télé éponyme sous les traits de Guy Marchand et dans les BD d'Emmanuel Moynot.
Bien sûr, un « sous cas » classique est le conteur qui participe à l’action ou à l’enquête, mais n’en est pas le héros principal. Le docteur Watson avec Sherlock Holmes ou le Capitaine Hastings avec Hercule Poirot font partie des références de bases.
Le « truc » qui peut « coincer » dans l'usage de cette forme, c’est que ce point de vue est parfois biaisé dans certaines œuvres. À savoir que le narrateur ne nous dit pas tout et que, dans ce cas, on se retrouve couillonné par cette tricherie si l’histoire n’est pas présentée correctement. Ce dont a fréquemment usé Arthur Conan Doyle avec des éléments non totalement précisés ou pour ressusciter son héros bien qu’il ait tenté de s’en débarrasser en le faisant « mourir » avec Moriarty. Agatha Christie nous donne plus d’indices que recueille et qu’interprète son détective belge et dont il nous distille avec sa légendaire fatuité le détail à la fin de ses enquêtes. Ce point de vue est adopté – sans emploi de la 1re personne – dans les œuvres de Simenon relative à son commissaire Jules Maigret, mais aussi dans la série télévision « Les 5 dernières minutes » avec Raymond Souplex et la réplique culte du commissaire Bourrel : « Bon Dieu ! Mais c’est… Bien sûr ! ».
Second cas : c’est le mélange des points de vue. Il consiste à intercaler des instants/périodes (plus ou moins longs) où le protagoniste est narrateur avec ceux où il existe un observateur omniscient. On bascule de passages à la 1re personne avec d’autres à la troisième.
La génialissime BD « BlackSad » emploie cette forme de narration et un double PdV.
Dans le premier épisode, un premier twist se produit lorsque deux malabars (Rhinocéros et Ours) viennent brusquement l’encadrer et lui flanquer une dérouillée dans le cimetière. Le très-très méchant de l’histoire lui donne un avertissement, sans le tuer, alors qu’on aurait pu penser que c’est ce qu’il avait programmé. Plus tard, un second twist se présente : le Lézard débarque chez BlackSad, mais se trouve exécuté alors qu’il a placé le canon devant la tête de ce dernier pour le descendre. Ce qui signifie que « quelqu’un » suit et protège notre détective, ce qui n’était pas évident. Particularité de cette BD, on a donc deux points de vue : celui de BlackSad et celui d’un observateur omniscient qui assiste à plusieurs scènes hors de la présence du héros.
Il existe aussi la possibilité de se retrouver en mode « choral », c’est-à-dire d'avoir plusieurs narrateurs qui ont chacun leurs visions de la situation. [On peut alors voir cohabiter choral et observateur externe, quoiqu’il ne me vienne aucun exemple à ce sujet, donc je ne m’en occuperai pas.]
C’est le cas de Les gueules des vers et de L’enfer des vers, j’essaie de donner au travers des pensées et récits de chaque acteur les indices qui amènent aux twists.
Le plus « gros retournement » est celui qui découle du croisement de deux situations : la découverte de Mirus d'une part et la perte partielle de mémoires de personnages dupliquées d'autre part, ainsi que… (le spoil est trop gros, donc je le tairai). En réunissant ces deux éléments et en faisant attention à un entrefilet médiatique ainsi qu’aux explications de Stella, on a ce qu’il faut pour se dire que… Pas de narrateur omniscient ici, mais des changements d’approche et de présentation à chaque chapitre entre les dix figures clefs de l’histoire (Dick, Jens, Colorado, Michaël, Audrey, Yessica, Yessi, Anaïs, Damienzo et Stella), chacun s’exprimant à la 1re personne, et le tout emmaillé de points de vue externes avec des articles issus des médias et encyclopédies des diverses décennies que traversent ces deux romans
Dans les enquêtes de Gerulf (que ce soit, pour l’instant, la Reine du Diable Rouge ou Un cerveau d’yttrium), seuls les deux frères Gerulf délivrent le détail de leurs investigations et déboires. Ce qui signifie que les twists sont liés à leurs découvertes, et donc chaque fois les indices nécessaires pour anticiper ses retournements sont posés. Aucun acteur externe n'intervient dans le récit.
Exemple de twist qu'ils expliquent et détaillent, celui de la fuite d’Alexis en vue voyager avec la professeure Maller.
Troisième cas : dans celui-ci, le lecteur-spectateur est face à une narration omnisciente. C’est un regard extérieur qui est porté sur des scènes, des lieux et moments différents pour qu’il obtienne tous les détails de l’histoire ou de l’intrigue. On découvre donc le twist en ayant certaines cartes en main, sans forcément que le ou les personnages concernés soient au courant de la situation. La surprise frappera autant lesdits personnages que le lecteur.
Exemple avec le tome 1 de la BD Les aventures de Karen Springwell – Convoi™, dans lequel le père de Karen explose littéralement et de manière incompréhensible face à un jouet provenant des premières colonies. Ce qui va amener à un début d’informations quant au président Melderson et au retournement de point de vue de ce père alors que Karen, elle, commençait à accepter ledit président. Ni le lecteur ni Karen ne savent ce qu'il en est réellement.
Autre exemple, celui fort connu de Terminator 2, puisque le Terminator interprété par Arnold Schwarzenegger réapparaît en tant que « gentil » (si j'ose le terme), venu aider Sarah et son fils. Ni ces derniers ni le spectateur ne le savent dans un premier temps.
Ou dans le Retour de la Momie, le fait que Evelyn « Evy » Carnahan O’Connell se révèle être la réincarnation de la Princesse Nefertiri, sœur d’Anck-Su-Namun, amante d’Imhotep. Surprise pour Richard O'Connel et pour le spectateur.
Robert Ludlum (avec La mémoire dans la peau, Osterman Week-end, etc.) usait à foison de retournements de situation dans ses romans, autant que des coups de théâtre. L'Écossais Alistair MacLean utilisait parfois les mêmes ficelles d'une roman à l'autre, ce qui fait que l’on finit par s’attendre à certaines d'entre elles. On retrouve ainsi régulièrement le traître à l’intérieur du groupe, que ce soit dans Destination Zebra, station polaire, dans Les Canons de Navarone ou Quand les aigles attaquent.