Les forains de Walpurgis

Ambiance

Une anthologie sur les mondes forains dirigée par Frédéric Czilinder. L'occasion de changer la donne en mélant le fantastique aux bruits et odeurs d'une fête foraine, où les stands revivent le temps d'une nuit bien particulière, avec un gamin qui n'y découvre pas l'enchantement, mais la peur, alors que lui-même est si particulier.

Incipit

Jusqu’à cette nuit de pleine lune, où je me retrouvais de nouveau face au cercle sombre des roulottes et des baraques foraines, que n’éclairait aucune lumière, je croyais que la peur m’avait quitté. Je devais m’avouer qu’en fait, elle ne m’avait jamais abandonné depuis cette autre nuit, voici déjà deux ans. Exactement le même jour et presque la même heure, bien que la lune y fût alors descendante. Une peur restée tapie, là, au plus profond de moi, qui ressurgissait soudain comme si cet anniversaire allait voir renaître ces anciens événements sanglants.
Pour autant, je ne pouvais ni reculer ni baisser les bras. Je devais bouger, avancer vers l’antre où était retenue celle pour laquelle mon cœur battait. Fermant les yeux un court instant, j’inspirai et levai la tête. Je humai les effluves et senteurs, cherchant à reconnaître chacune d’elles et frémissant d’y parvenir bien trop facilement. Tout me rappelait cet autre lieu que j’avais désespérément tenté d’oublier.
J’étais tapi dans l’ombre, immobile alors que mes yeux dorés guettaient et surveillaient le plus infime mouvement. Mes oreilles se crispaient à écouter les rares sons que je pouvais entendre ; mon nez frémissait à la recherche des plus petites odeurs d’elle, de la moindre ébauche de sa fragrance.
Mais c’étaient surtout celles des forains et des baraquements qui m’agressaient et me faisaient me tendre un peu plus. J’essayais de me concentrer sur les dangers qui m’attendaient, mais les souvenirs m’assaillaient sans que je puisse les repousser. Un à un, semblables à des bulles qui remontaient et me rappelaient cette nuit d’il y a deux ans. Chacun était comme un flash impossible à ignorer, un stroboscope d’images qui m’obligeait à fermer les yeux, à serrer les poings et les mâchoires. Comme si un fer rouge venait brûler mes côtes et ma mémoire…