Kyklos

L'histoire

Alors qu’il est envoyé en mission d’exploration et de cartographie spatiale, le vaisseau Marmaréen se retrouve, de façon inattendue et surtout inexplicable, projeté au cœur d’un système stellaire inconnu. Son équipage fort réduit se compose d’un couple d’adultes, lui ingénieur spatial, elle scientifique, et de deux adolescents au comportement déroutant. Leur arrivée aux abords de l’une des deux planètes de ce système va faire réagir la capitaine scientifique et les ados. D’abord parce que ladite planète présente des caractéristiques laissant comprendre qu’elle dispose d’eau, d’oxygène et de carbone, et réunissant des conditions propices à l’apparition de la vie. Ensuite parce que les deux jeunes gens, les jumeaux comme les surnomment les adultes face à leur attitude fusionnelle, veulent absolument descendre à sa surface pour l’étudier. Du moins, le laissent-ils penser.
Bien plus inclinée que Terre, ce qui inverse les conditions climatiques de ses pôles et de son équateur, Kyklos, ainsi que l’équipage décide de la baptiser, va se révéler peu à peu et leur faire découvrir un monde et une vie qu’ils n’auraient jamais imaginés…

 La planète et la trame de l'histoire sont nées d’une idée de Frank Selsis ; elles ont pris vie petit à petit au fil du temps, au fil des échanges, des recherches et des calculs, nous menant à la bâtir en totalité tant sur le plan spatial qu’au niveau géographique, climatique et biologique. Ce que vous découvrirez dans le roman, mais aussi dans le final où une présentation scientifique, mais vulgarisée, vous offrira de manière pédagogique et illustrée tout le détail qui a permis sa création. Kyklos est une planète tout ce qu’il y a de plus plausible au regard de nos connaissances actuelles, une planète qui existe peut-être, voire probablement, dirions-nous.

Extrait

Andréa Hiers, officière scientifique du Marmaréen.
30^ème jour après apparition dans le système bi-planétaire inconnu.

— Maljé ?
Le garçon leva son visage lisse de l’imposant tubule grossissant et me fixa avec la même expression qu’un sphinx. Énigmatique, indéchiffrable.
— Capitaine ?
— Que donnent les sondes ?
— Rien pour l’instant. Il faudrait…
— Envoyer un drone, je sais. Réponse inchangée : non, pas pour le moment !
Cela faisait vingt fois que lui ou sa presque-sœur me le demandait. Nous étions encore trop éloignés. Ne disposant que de quatre de ces appareils à ultra-vitesse, des DUV d’exploration, je ne tenais pas à en perdre un seul. Les informations sur NLW-3 restaient, de ce fait, fragmentaires et la composition de son atmosphère imprécise. S’il s’y trouvait des pluies acides ou radioactives, ces drones ne les supporteraient pas longtemps, au risque de mettre en péril les centaines de robots multiformes qu’ils transportaient.
— Vidéos stabilisées ! lança brusquement Lukie. Il y a de nouveaux détails.
Ce fut plus fort que nous. Avec un parfait ensemble, nous nous redressâmes sur nos fauteuils flottants à l’instant où, d’un geste nerveux, l’adolescente secouait le casque de ses longs cheveux crépus et envoyait les premières images au-dessus du plateau central. Nous étions encore à cinquante-huit millions de kilomètres, mais le globe nous sauta au visage avec une excellente précision et netteté :
— Arianrod ! Affichage des quadrillages de référence et cotations !
Les deux mètres de l’énorme boule nous apparaissaient tâchés de bleu et vert à ses pôles, de mille tons bruns sur son équateur et de blancheur partout ailleurs. Sa représentation s’entoura de nombres, de traits et d’arcs de cercle. Je ne pus retenir un juron de stupéfaction que je réprimai aussitôt. Cette planète-là, à la rotation prograde comme Terre, affichait une obliquité de presque soixante-seize degrés. Inférieure à notre Uranus qui, elle, était à plus quatre-vingt-dix-sept degrés, mais bien supérieure à Terre avec ses vingt-trois et quelques.
— Qu’est-ce que ça veut dire ? osa demander notre adolescent.
— Que ses pôles sont proches de son plan orbital. Ce qui pourrait signifier qu’il y règne un climat tropical à certaines saisons. Et, qu’à l’inverse, son équateur pourrait être gelé. Une situation qui serait conforme aux tons colorés que nous distinguons.
Les nuages, nombreux et épais dans les zones médianes, apparaissaient chargés d’eau et de glace, selon les albédos et les angles de réflexion lumineuse. Ils couvraient plus d’un tiers du globe et bougeaient à grande vitesse, signe certain de vents puissants. Je me retrouvai surprise et même déstabilisée quelques instants en apercevant leurs mouvements référencés par rapport à de premiers axes méridiens au lieu des parallèles qu’avait ébauchés notre IA. Contrairement à Terre, la force de Coriolis était quasi nulle aux pôles et non à l’équateur.
— Tu as assez de données pour une simulation de la surface, Arianrod ?
— Oui ! Reconstitution sur la base d’images de moindre qualité, mais en nombre suffisant sur ces dernières vingt-six heures.
— Waouh !
Les voix jumelles retentirent au même instant et je découvris les deux ados statufiés, bouche bée devant la vision qui se présentait à nous. Il me fallut me lever et m’avancer pour accélérer le mouvement du globe d’un doigt nerveux.
— Maldus ! Rejoins-nous !
Les nuages supprimés par le système, la boule s’affichait bleue et verte sur l’un des pôles, y dessinant un immense océan avec quelques îles importantes sous son tropique. Sur son équateur, il y avait des terres émergées qui formaient une bande presque continue, elle-même encadrée par une banquise large de quelque trois mille kilomètres. Sur l’hémisphère nord, elle s’arrêtait purement et simplement à cette distance ; sur le sud, elle s’amincissait pour rejoindre le pôle à faible épaisseur, passant de presque cent mètres à seulement un mètre, tout en se révélant percée de nombreux et imposants trous. Même si cette gigantesque banquise devait évoluer au fil des saisons et des années, elle apparaissait proprement stupéfiante et impressionnante, encerclant dans ce sud, deux îles-continents.
— Avec ces terres entourant l’équateur, cela fait presque un monde en anneau, murmurèrent nos cadets en plongeant les doigts dans la lumière pour grossir certaines portions ici et là.
— Kyklos ! lançai-je alors.
— Quoi ?
— Je propose de nommer NLW-3 ainsi. Kyklos, c’est du grec ancien, une vieille langue. Κύκλος signifie cercle. C’est ce que nous voyons : des continents émergés sur l’équateur, formant une ligne presque ininterrompue, si l’on ignore ces trois brisures, et cernés par cette gigantesque banquise qui recouvre une grande partie de la planète.
— Kyklos ? C’est bien comme nom, répliquèrent-ils.
Je me pris à leur sourire. Oui, c’était bien...