LE BON ou presque
le scientifique
Symboliquement sans doute, mais il est la base
de l'exploration et de l'avancée
dans un nouvel univers.
Le bon, la brute et le cinglé (photo promotionnelle d'après le film)
La brute (parfois)
l'ingénieur
Celui qui transformera l'invention
en réalité technologique
et permettra de fabriquer
Construction du laser femtoseconde Apollon
Ecole polytechnique Université Paris-Saclay [CC BY-SA 2.0 ( https://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0)]
Un peu fêlé avec l'impossible
l'auteur SF
Mêlant inventions, découvertes et technologie,
il va y ajouter sa pincée d'élucubrations et de folie
pour créer d'improbables univers.
Station spatiale internationale. Photo NASA.
Sans un minimum de science et de vraisemblance, la SF n'en serait plus tout à fait…
Même si on lui pardonne nombre d'erreurs et raccourcis, le récit SF doit s'appuyer sur un minimum indispensable.
La première version de ce texte était titré de manière très orientée : « Le scientifique, l'ingénieur et l'auteur SF ».
La référence au film sacrément barré et déjanté « Le bon, la brute et le truand » de Sergio Leone n'est pas innocente. Quoique le lien vise plus encore celui de Kim Jee-woon, « Le bon, la brute et le cinglé ».
Je l'avoue : être autrice ou auteur SF signifie clairement avoir un grain au cerveau. Enfin un… ou plusieurs…
Mais avant cela, je mets les choses au clair : je vais parler de Hard-SF, de Hard-Science, parmi tous les genres et sous-genres de ladite SF, celui que j'ai attaqué en créant l'univers de SysSol et celui assez fou du « Diptyque des Vers », les Gueules et l'Enfer.

J'écarte de suite le cas particulier du scientifique fou et malade qui va inventer THE virus mortel, qui va concevoir SA créature qui va lui échapper ou SON arme de destruction mondiale, etc. Même si j'adore l'histoire de Frankenstein, la Mouche et tant d'autres romans et films, ce n'est pas du tout ma tasse de thé, enfin de café plutôt, n'étant pas fan de thé, je dois le reconnaître.
Astrophysique, physique et mécanique quantique. Biologie, que ce soit de la biochimie, de l'écologie, du génie génétique, neurosciences, etc. Sciences humaines que ce soit de la sociologie, l'économie, l'éducation, le droit, la politique, etc. Je pourrais continuer à égrener la liste.
En fait, je me suis aperçu au fil de mes derniers écrits parus qu'un auteur SF devait toucher à tout cela et éviter d'écrire trop d'inepties. Non pas dans le sens de l'exactitude scientifique actuelle puisque nous nous projetons dans un futur plus ou moins lointain où ce qui n'est pas connu ou possible aujourd'hui peut le devenir, mais par la nécessité d'être crédible et d'avoir quelque chose de plausible à offrir au lecteur. Je suis plus qu'heureux de lire le cycle des Robots du bon docteur qui est avant tout scientifique de formation et de métier, L'œuf du Dragon du physicien Robert Forward (un livre que je trouve absolument génial, malgré une fin un peu trop convenue et sans intérêt), mais aussi Dune de Franck Herbert qui n'a rien du scientifique, mais a su créer un véritable univers avec une planète avec son écosystème complet et précis, aussi bien qu'avec un système spatiopolitique très détaillé.
Et je suis plus qu'attaché à ces mots de Franck Selsis, directeur de recherche en astrophysique au CNRS, qui a préfacé « les Gueules des Vers » :
Si le scientifique en conçoit hypothèses et théories, un auteur de SF les recompose en histoire. Et certaines de ces histoires – pour moi les plus passionnantes – nous offrent un merveilleux vertige, celui de vivre une situation extraordinaire, impensable, aberrante, mais… plausible.
Si je prends le roman « les Fleurs de Syrtis Major », nous reconnaissons, Frédéric L. Castle et moi, que l'idée de conception des plantes martiennes que nous présentons puisse paraître totalement aberrante sur le plan scientifique et qu'un biologiste nous fasse alors la grimace. Mais l'idée reste plausible par le résultat qu'elle amène dans ce futur où les manipulations génétiques sont arrivées à des sommets élevés. Quant aux Gueules des Vers, nul besoin de dessin. Rien de cette entité spatiale n'existe ; tout réside donc dans le fait qu'elle ne contredise pas grand-chose de ce que l'on sait aujourd'hui, qu'elle use d'hypothèses qui restent des hypothèses sympathiques. De même, le fait que ces Gueules soient décrites avec suffisamment de détails leur permet d'être relativement plausibles tout en leur gardant cette part de mystère qui permet de rêver.
Après avoir connu une soif inextinguible, étant gamin et ado, pour tout ce qui concernait la nature [je dévorais les ouvrages sur les animaux dès lors qu'ils étaient détaillés et réalistes – donc sans trop m'intéresser aux romans animaliers], j'ai eu la chance et l'opportunité de suivre des études scientifiques, d'abord en suivant un cursus en biologie durant quelques années, avant de basculer vers l'informatique.
Sans trop m'avancer, je pense avoir gardé cet intérêt pour les sciences, ce qui m'amène à apprécier de lire et d'écrire de la hard-science. J'apprécie des auteurs comme Arthur C. Clarke, physicien spécialiste du radar, aussi bien qu'Alastair Reynolds qui est docteur en astrophysique et a travaillé à l'ESA.
Jouer dans la cour du Space-Opera, du techno-thriller et autres thématiques SF, vous oblige à vous intéresser à la technologie et, de facto, à l'ingénierie. Là aussi, j'ai eu pas mal de chances. Entre un père ingénieur civil, deux oncles ingénieurs gadzarts et deux autres ayant travaillé dans l'aviation militaire, j'avoue que j'ai baigné dans un environnement propice à la curiosité pour tout ce qui touche ladite technologie.
Là encore, amateur de hard-science, il ne me semble guère intéressant de concevoir des mondes futuristes sans y introduire une technologie qui a évolué et qui dispose des moyens techniques associés. Là encore, ce qui compte est de rester dans le domaine du plausible, sans spécialement s'inquiéter du réalisme technologique.
Un exemple flagrant est celui de la place croissante de l'holographie et de l'holotactile dans les œuvres cinématographiques de SF. J'avoue que visuellement, c'est superbe et, de ce fait, l'idée de mon phonecuff dans SysSol est stimulante, car je me le représente parfaitement tel qu'il apparaîtrait au cinéma. Un objet plausible, mais totalement irréaliste.
Eh oui, essayez donc d'imaginer un affichage de lumières sans support physique, occupant une place réduite. Imaginez que cette affiche demeure parfaitement visible et lisible en plein jour, avec la lumière du soleil qui l'entoure, en l'altérant donc. Pas réaliste aujourd'hui où nous avons déjà d'énormes difficultés à disposer d'un écran de téléphone que nous puissions consulter au soleil. Je ne parle même pas d'être lisible – si vous ne connaissez pas, venez donc durant les mois d'été en Provence et vous comprendrez immédiatement le problème. Mais qu'importe que ce ne soit pas possible. La technologie doit exister dans l'univers ; elle doit pouvoir être décrite aussi bien en termes de conception qu'en termes d'usage. Elle doit respecter des bases d'ingénierie suffisantes pour être crédible, en n'oubliant pas que le lecteur doit pouvoir se représenter cette technologie, se l'approprier et même en rêver, au point de la désirer, alors que seule son imagination lui a permis de transformer des mots suffisamment précis en une image qui va lui plaire et le faire rentrer dans ce monde futuriste.
Si Kubrick nous a fait voyager avec la roue spatiale de 2001, Clarke a su m'enchanter en décrivant son ascenseur spatial dans Les Fontaines du paradis, sur la base d'une idée de l'ingénieur soviétique Iouri Artsoutanov. Eh oui… qui dit auteur SF, dit parfois ingénierie… du moins si vous touchez la hard-SF. Et il faut être un peu brute pour oser créer une sphère de Dyson. Si les exemples de récits y faisant référence sont suffisamment nombreux (Les vaisseaux du temps, L'étoile de Pandore, Forerunner, Omale, etc.), je vous laisse imaginer les problèmes de logistique, d'ingénierie et de technologie qui y sont associés. Le best of pour moi revient quand même à Rama… puisque rien n'y est expliqué et que le mystère demeure entier jusqu'au bout…
Effectivement, si je secoue le tout que forment ces connaissances et ces usages de la science autant que celles des ingénieurs et techniciens, je pense que mon modèle d'auteur SF est bien ce cinglé auquel je fais référence.
Capable de toucher à tout, de le comprendre et de l'expliquer, sans rien avoir d'un génie, mais qui complète le tout par une imagination sans limite, voire parfois débridée et folle. Ce qui lui permet de s'affranchir de ce qu'il a maîtrisé et de le dépasser pour offrir aux lecteurs cette part de rêve réaliste qu'ils et elles attendent…
Du moins, est-ce ainsi que je conçois la SF actuelle, point de vue personnel de lecteur passionné et d'auteur un peu cinglé de SF (un peu simplement, pas trop).
